« Nous restons vigilants tout en continuant à investir »
Le Gaec Bretijan a atteint un pic d’annuités sur l’exercice clos en mars 2017 et a contracté des prêts à court terme pour faire face aux dépenses. Après la sécurisation de son autonomie fourragère par l’irrigation, il continue de s’équiper afin d’optimiser le travail et de renforcer sa compétitivité.
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Le Gaec Bretijan est né en 1991 du regroupement de deux Gaec voisins, sur les lieux-dits de La Bretinière et La Janière, à Saint-Hilaire-de-Loulay, en Vendée. Depuis, l’exploitation a progressivement doublé sa production laitière, avec l’objectif de maintenir sa main-d’œuvre à quatre actifs et sa surface à 200 hectares. « Nous avons perdu des parcelles en raison de l’urbanisation, mais nous avons aussi eu des opportunités de reprendre des terres à des voisins, déclare Christophe Orieux, l’aîné des associés. Aujourd’hui, 100 hectares sont groupés autour du siège d’exploitation. » Au 30 avril 2018, le prix moyen du lait des douze derniers mois s’élève à 347 €/1 000 litres pour un prix de base de 322 €. L’amélioration est significative puisqu’un an plus tôt, les éleveurs avaient touché, en moyenne sur douze mois, 308 €, avec un prix de base de 288 €. « En 2017, nous avons dû contracter des prêts à court terme pour faire face aux dépenses, mais avant cela, nous avions réussi à passer la crise sans amputer nos prélèvements privés. »
« En priorité des fourrages de qualité pour un maximum d’autonomie alimentaire »
Cependant, les quatre associés restent vigilants et continuent à innover pour améliorer leur efficacité économique. « Nous visons en priorité des fourrages de qualité pour un maximum d’autonomie alimentaire et des vaches en bonne santé, ainsi que des taux butyreux et protéique élevés pour une bonne valorisation », résume Christophe. Les 136 vaches en production fournissent 1,35 Ml de lait, soit une moyenne de 9 685 litres bruts par vache, selon le contrôle laitier sur douze mois fin avril 2018. Sur la même période, le taux butyreux est de 42,1 g/l et le taux protéique de 32,3. « En avril 2017, notre moyenne par vache était de 9 150 litres, se souvient Christophe. Nous avons produit beaucoup de lait cet hiver grâce à de très bons fourrages. »
L’ensilage de maïs est le principal composant de la ration toute l’année : 12 kg de MS/VL en hiver et 6 kg pendant la période de pâturage du 15 mars au 15 octobre. Le silo d’ensilage d’herbe est fermé du 15 mars au 1er juillet. Il représente jusqu’à 5 kg dans la ration hivernale. Le reste est composé d’orge produit sur la ferme (aplati et distribué au Dac), de maïs grain humide (1 kg), de foin (1 kg) et d’un correcteur azoté soja-colza.
La création d’une réserve d’eau permet d’irriguer la totalité du maïs depuis 2016, soit une quarantaine d’hectares. Son rendement est passé de 10 à 15 t/MS/ha, libérant ainsi de la surface pour la production de maïs grain humide. « Nous avons fait ce choix plutôt que le maïs grain sec car nous économisons les prestations de séchage, stockage, laminage et transport », justifie Christophe. Quant à l’ensilage, les éleveurs faisaient auparavant appel à une entreprise, mais ils se sont tournés vers la Cuma, il y a trois ans, dans l’objectif d’améliorer la qualité. « Le chantier va moins vite et nous consacrons davantage de temps à tasser les silos. Nous sommes passés de douze ou treize remorques à l’heure à huit. »
Vingt-trois hectares de prairies temporaires de ray-grass anglais et trèfle blanc sont exclusivement réservés au pâturage, soit 17 ares par vache. Le troupeau change de parcelle tous les deux jours, voire tous les jours selon la pousse. « Le pâturage est intéressant pour réduire les achats de concentré azoté, calcule Christophe. Descendre de 3 kg à 1 kg de concentré par jour et par vache, pendant cent jours, représente une économie de 27 tonnes sur l’année. Nous gagnons aussi près d’une heure de travail par jour pour le nettoyage et le paillage des logettes. »
Luzerne et betterave pour les taux et la santé
Néanmoins, les associés s’interrogent sur la façon d’organiser le pâturage à l’avenir, notamment pour les primipares vêlant en fin d’hiver ou début de printemps, et qui ont du mal à se maintenir en état. Pour améliorer leur autonomie protéique, les éleveurs ont d’autres cartes en main. Depuis deux ans, ils implantent quinze hectares de cultures dérobées composées de seigle, de trèfles et de vesce, après la récolte de l’orge et avant les semis de maïs. Cette option est aussi une façon d’avoir accès aux aides de la Pac pour les surfaces d’intérêt écologique (SIE). Récolté en ensilage vers mi-avril, le mélange entre dans l’alimentation des vaches ou des génisses en fonction de sa composition. « En 2016, le taux de matière azotée totale était de 17,5 %. Donc nous l’avons donné aux vaches. Mais en 2017, il n’était que de 12 % car le mélange était pauvre en trèfles. Nous l’avons utilisé pour les génisses en substitut d’ensilage d’herbe », précise Christophe.
À l’automne 2017, une luzernière irriguée de 6,5 ha a également été mise en place. L’objectif est de produire quatre coupes à l’année, en enrubannage (première coupe) et foin pour favoriser la rumination. En outre, la betterave fourragère a été introduite dans l’assolement au printemps 2018 sur 6,5 ha pour remplacer une partie du maïs dans la ration. Avec ces deux nouvelles cultures, ils comptent sur des taux butyreux et protéique élevés, et sur des effets positifs en matière de santé du troupeau à partir du prochain hiver.
Un méthaniseur géré par un industriel
Après l’optimisation de leur système fourrager, en particulier grâce à l’irrigation, les associés du Gaec Bretijan vont prochainement se décharger de la gestion de leurs effluents d’élevage via la mise en route, au printemps 2019, d’un méthaniseur piloté par la société Vol-V Biomasse. Le biogaz issu des effluents d’une dizaine d’élevages et de déchets agroalimentaires sera injecté dans le réseau. « Les éleveurs sont simplement apporteurs et ils récupèrent le digestat, explique Christophe. Nos motivations sont de réduire les achats d’azote, d’économiser les frais et le temps liés à la gestion des effluents, et de faire face à un volume de stockage limitant. Nous ne toucherons rien en lien avec la vente du biogaz, mais la prise en charge par un industriel nous évite des investissements et du travail supplémentaire. » La méthanisation va également permettre au Gaec de réduire son empreinte carbone (voir encadré).
Prochainement, les éleveurs prévoient aussi le renouvellement de l’équipement de traite dès qu’ils auront retrouvé leur capacité d’investissement. En 1995, quatre ans après la fusion des deux exploitations d’origine, ils ont installé une salle de traite de 2 x 8 places avec un compteur à lait. En 1998, les logettes et la mise aux normes ont été réalisées, suivies d’un nouvel agrandissement du bâtiment en 2010. « La traite des 136 vaches représente 17 quais et demande deux heures le matin et près de deux heures le soir à un trayeur, il faudra donc évoluer. Nous avons déjà réfléchi au robot ou au manège, mais nous avons finalement préféré rénover notre salle de traite en 2015 pour investir dans l’irrigation. De plus, le prix du lait commençait à fléchir et nous avions deux départs à la retraite à financer. »
Assurer la pérennité en prévision de la succession
À plus long terme, les deux frères, Christophe et Thierry, souhaitent anticiper leur succession pour assurer la pérennité de l’exploitation. « Les derniers arrivés, Sylvain et Freddy, ont apporté chacun 100 000 € pour entrer au capital. C’est raisonnable si l’on considère qu’il faut plutôt injecter aujourd’hui un euro par litre de lait pour pouvoir s’installer. » En septembre, un apprenti âgé de 15 ans rejoindra les quatre associés. Venu en stage de troisième, il a révélé un bon contact auprès des animaux. « Ce sera peut-être une solution pour l’avenir », conclut Christophe.
Nathalie TiersPour accéder à l'ensembles nos offres :